Vice caché : rejet de la poursuite d'un ex-copropriétaire contre le syndicat vertical et l'horizontal

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19 septembre 2016

Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des Petites créancesi, la demande en dommages par un ex-copropriétaire contre les syndicats de copropriété pour dommages pour vices cachés, fut rejeté par le tribunal. Cet ex-copropriétaire réclamait à son ancien syndicat de copropriété le montant auquel il a été condamné à payer aux acheteurs de son unité. Ces derniers lui réclamaient leur part d'une cotisation spéciale payée pour la mise à norme des cheminées non conformes des unités.

Les prétentions des parties
L'ex-copropriétaire réclame à son ancien syndicat de copropriété vertical, ainsi qu'au syndicat horizontal duquel fait partie le syndicat vertical, la somme de 4 588,82$, somme qu'elle a payée aux acheteurs de son unité à la suite d'une poursuite pour vices cachés affectant l'unité.


L'ex-copropriétaire prétend que les syndicats en sont responsables, car selon elle, la non conformité du foyer constitue un vice de construction ou de conception des parties communes de l'immeuble. Pour l'ex-copropriétaire, les syndicats n'auraient pas dû récolter les sommes requises pour les travaux au moyen d'une cotisation spéciale demandée aux copropriétaires, mais plutôt employer le fonds de prévoyance de l'immeuble, auquel elle dit avoir contribué pendant tout le temps qu'elle était copropriétaire.


Pour leur part, les syndicats plaident que l'ex-copropriétaire n'a aucun droit à l'égard de l'emploi du fonds de prévoyance. De plus, ils plaident que les acheteurs avait effectivement le droit de poursuivre l'ex-copropriétaire vendeur en vertu de la garantie légale de qualité.


Le Syndicat vertical considère que la poursuite par l'ex-copropriétaire est frivole et vexatoire, et fait une demande reconventionnelle contre l'ex-copropriétaire pour la somme de 1175,00$

Les faits retenus par le Tribunal
L'ex-copropriétaire demandeur a été propriétaire du condo en question dans un syndicat de copropriété vertical, lequel fait partie avec onze autres syndicats verticaux d'un syndicat horizontal.


L'ex-copropriétaire vend son unité à des nouveaux propriétaires, mais deux ans plus tard les acheteurs poursuivent l'ex-copropriétaire pour la somme de 4 588,82$, représentant leur part d'une cotisation spéciale pour des travaux correctifs aux foyers au bois des unités, lesquelles, selon les faits, n'étaient pas conformes aux règlements municipaux. Cette somme représente leur quote-part du coût des travaux requis pour les rendre conformes aux règlements municipaux.

À la suite de l'audition de cette cause, le jugement par le Tribunal qualifie ce défaut d'un vice de construction caché, pour lequel l'ex-copropriétaire est responsable en raison de la garantie légale de qualité de l'article 1726 C.c.Q. Cet article se lit comme suit:
" 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. "
L'ex-copropriétaire paie à ceux à qui elle a vendu l'unité la somme de 4 588,82$, mais pour elle, le syndicat aurait dû utiliser l'argent de son fonds de prévoyance pour payer les travaux. Elle calcule qu'elle avait contribué environ 10 500,00$ à ce fonds durant les années qu'elle y possédait son unité.
C'est pour cette raison qu'elle poursuit le syndicat vertical et l'horizontal pour récupérer ce montant.

Analyse et décision par le Tribunal
Le Tribunal rappelle à l'ex-copropriétaire, qu'aux termes de l'article 1726 C.c.Q., et de la jurisprudence en matière de copropriété divise, que leur recours était approprié, ce qu'elle ne conteste pas. Mais est-ce que en revanche, l'ex-copropriétaire peut poursuivre les syndicats comme elle fait pour récupérer la somme qu'elle a payée?


En application des principes posés par la jurisprudence, selon le Tribunal, l'ex-copropriétaire ne peut faire porter la responsabilité pour ce qu'elle a payée sur les syndicats de copropriété. Bien que l'article 1077 C.c.Q. précise que le syndicat est responsable des dommages causés par des vices de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, le syndicat n'est pas responsable de l'existence de ce vice, mais il doit prendre le moyens nécessaires pour le corriger.


Selon la preuve et la déclaration de copropriété, les foyer au bois des unités constituent des parties communes à usage restreint de l'immeuble du syndicat vertical, et son entretien, réparation ou remplacement relève du syndicat vertical, et non pas du syndicat horizontal. Conséquemment, le Tribunal est d'avis que l'ex-copropriétaire ne peut tenter de tenir responsable le syndicat horizontal, et la réclamation contre ce dernier et son fonds de prévoyance doit être rejetée.
De par ses frais de condo mensuels, l'ex-copropriétaire a contribué tant au fonds de prévoyance du syndicat vertical, ainsi qu'au fonds de prévoyance du syndicat horizontal. Mais est-ce qu'elle a un droit quelconque sur ce fonds?


Le Tribunal rappelle aux parties qu'aux termes de l'article 1071 C.c.Q., le fonds de prévoyance appartient au syndicat. Cet article se lit comme suit :
" 1071. Le syndicat constitue, en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du coût de remplacement des parties communes, un fonds de prévoyance, liquide et disponible à court terme, affecté uniquement à ces réparations et remplacements. Ce fonds est la propriété du syndicat. "
Le Tribunal remarque aussi que la déclaration de copropriété stipule au même effet, et confirme que ce sont les administrateurs du syndicat, élus par l'assemblée des copropriétaires, qui ont le pouvoir et la responsabilité de gérer le fonds de prévoyance de la copropriété.


La déclaration de copropriété contient aussi des dispositions qui accordent le pouvoir aux administrateurs d'adopter un budget spécial et d'émettre une cotisation spéciale, si jamais le budget pour l'année en cours s'avère insuffisant en cours d'année, ou s'il est préférable de ne pas utiliser le fonds de prévoyance pour une dépense particulière de réparation majeure ou de remplacement des parties communes ou parties communes à usage restreint de l'immeuble.

Selon le Tribunal, les administrateurs ont exercé leurs pouvoirs accordés par la Loi et la déclaration de copropriété lorsqu'ils ont consulté l'assemblée des copropriétaires sur une proposition de budget complémentaire pour recueillir les fonds nécessaires pour payer les travaux correctifs des foyers au bois.


Selon le Tribunal, rien dans la Loi ou la déclaration de copropriété permettrait à l'ex-copropriétaire d'exiger que le syndicat puise dans son fonds de prévoyance, au lieu d'émettre une cotisation spéciale comme il a fait.
La réclamation de l'ex-copropriétaire a donc été rejetée pour tous ces motifs.
Quant à la demande reconventionnelle par le syndicat vertical contre l'ex-copropriétaire au motif que sa poursuite est futile et vexatoire, le Tribunal souligne que les questions soulevées par relations entre les copropriétaires actuels ou passés, et les syndicats en copropriété sont souvent complexes.


Après avoir entendu la preuve et les arguments des parties, le Tribunal est plutôt d'avis que l'ex-copropriétaire n'a pas poursuivi le syndicat sachant que ses motifs n'étaient pas fondés, et aucune preuve au dossier ne démontre que cette réclamation a été faite dans le but de nuire au syndicat.


Pour ces raisons, le Tribunal a rejeté la réclamation de l'ex-copropriétaire contre le syndicat vertical et celui du horizontal, et l'a condamnée à payer aux syndicats les frais judiciaires de 175,00$, et a rejeté la demande reconventionnelle du syndicat vertical sans frais.
Pour toute question relativement au présent texte, ou le droit immobilier en général, communiquez avec notre équipe de juristes spécialisés en la matière.

1. 505-32-032534-142 , 2015 QCCQ 7253

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