Une suite au projet de loi 122 : des normes de sécurité qui coûtent cher

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18 juillet 2012

En décembre 2010, le Projet de loi 122, étant la Loi modifiant la Loi sur le bâtiment concernant principalement la modernisation des normes de sécurité, entrait en vigueur sans laisser la population indifférente. D'une part, rappelons-le, parce que cette législation faisait suite à des accidents regrettables qui ont coûté la vie à deux personnes. D'autre part, parce que la réglementation qui allait s'ensuivre risquait d'apporter avec elle des coûts importants pour les propriétaires.



Dans le premier des incidents, une dalle de béton s'est détachée d'un stationnement souterrain écrasant la voiture d'un homme et selon le coroner, le défaut de construction et d'entretien ont été déterminants. Dans le deuxième cas, c'est un panneau de béton qui s'est détaché du 18e étage de la façade d'un hôtel, écrasant une femme mortellement. L'installation des panneaux de béton n'aurait pas été faite selon les indications. Ceci étant sans compter les nombreux incidents qui arrivent chaque année sans toutefois toujours laisser de victime. Soulignons d'ailleurs que réalisées avant 1976, ces deux constructions n'ont pas été encadrées par le Code de construction de la Régie du bâtiment du Québec. Dans les deux cas également, les recommandations des coroners étaient entre autres à l'effet de prévoir des mesures d'inspection et un programme d'entretien pour les immeubles de cinq étages et plus.



Le projet de règlement attendu depuis plusieurs mois a été publié le 20 juin dernier à la Gazette officielle du Québec. Le

Règlement visant à améliorer la sécurité dans le bâtiment

, ajoute donc un chapitre nommé

Bâtiment

au Code de sécurité.



La ministre du travail a pris soin de rappeler que les anciennes dispositions règlementaires datent de plus de 30 ans et ne répondent plus aux impératifs de sécurité, tel que démontré par les accidents survenus dernièrement. Cela met de l'avant également la responsabilité des propriétaires en matière d'entretien et de vérification des bâtiments leur appartenant.



Ce règlement sera la norme sur laquelle les municipalités devront se baser pour adopter leur propre règlementation. Rappelons qu'elles pourront, selon l’article 193 de la Loi sur le bâtiment, adopter des normes équivalentes ou plus sévères.



La ministre du Travail, madame Lise Thériault, prévoit des coûts maximums de 243 M$ sur une période de 5 ans pour l'ensemble des propriétaires des immeubles visés, incluant les améliorations nécessaires au niveau de la sécurité incendie. Toutefois, il semblerait que ce montant soit moindre dans les faits étant donné que certaines des améliorations prescrites ont pu l'être ou auraient été à faire de toute façon, soit considérant la fin de vie de l'équipement ou pour se conformer aux règlementations municipales déjà existantes ou aux exigences des assureurs, notamment.



APPLICATION



Selon le projet présenté au public, le règlement s'appliquerait à la base à tous bâtiments et équipements destinés à l'usage du public. Dans la Loi sur le bâtiment, cela s’appliquait à un bâtiment utilisé ou destiné à être utilisé pour abriter ou recevoir des personnes. Toutefois, il y a une exemption claire notamment pour les bâtiments résidentiels de moins de 3 étages ou de moins de 9 logements, incluant les maisons unifamiliales.



OBLIGATIONS



Comme on s’y attendait, l’obligation centrale et l’idée même du règlement semblent se dessiner autour de l’article général d'obligation de maintien en bon état de fonctionnement, de sécurité et de salubrité pour les bâtiments ou équipements destinés à l'usage du public.



Façades



Un régime d’entretien pour les façades de 5 étages et plus hors-sol est proposé, celles-ci doivent être «entretenues de façon à être exemptes de tout défaut pouvant compromettre la sécurité ou pouvant contribuer au développement de conditions dangereuses» selon l’article 371 qui sera ajouté au Code de sécurité.



Ainsi, un registre devra être conservé sur les lieux de l’immeuble, contenant certaines informations précises pour fins de consultation par la Régie du bâtiment, tels que les coordonnées du propriétaire, les plans pour les travaux de construction des façades, les renseignements techniques et descriptions relatifs aux modifications et réparations. Également, devraient s'y retrouver une description des réparations répétées pour régler un même problème ainsi que les rapports de vérification des façades.



Au niveau de l’inspection, tous les 5 ans, un rapport de vérification provenant d'un ingénieur ou d'un architecte indiquant que les façades du bâtiment ne présentent aucune condition dangereuse sera exigé. Les propriétaires pourront alors bénéficier de certaines recommandations visant à éviter le développement de conditions dangereuses. Selon la proposition de la Ministre, le premier rapport doit être effectué au plus tard le jour du 10e anniversaire de la date de construction de l'immeuble. Pour les immeubles de plus de 10 ans au jour de l'entrée en vigueur du règlement, un échéancier est prévu selon l'âge du bâtiment.



Ce qui est entendu par une condition dangereuse est décrit dans le règlement comme étant lorsqu'un élément de l'une de ses façades pourrait se détacher du bâtiment ou s'effondrer de façon imminente.



Si une de ces conditions dangereuses est détectée, des mesures d'urgence pour assurer la sécurité des occupants et du public doivent être mises en place et la Régie du bâtiment avisée. Le professionnel devra alors rédiger dans les 30 jours une description des travaux correctifs à élaborer ainsi qu'un échéancier à faire approuver par la Régie. Une confirmation de la fin de la situation dangereuse à la fin des travaux nécessaires sera finalement essentielle.




Parcs de stationnement



Les exigences quant à l’entretien des parcs de stationnement souterrains ou aériens avec dalle en béton et dont une surface de roulement ne repose pas sur le sol, sont similaires aux exigences existantes pour les façades, quant au registre qui doit être tenu ainsi qu’aux mesures qui doivent être prises suite à la détection d’une condition dite dangereuse.



Par contre, on ajoute une vérification annuelle de la part du propriétaire, laquelle fera l’objet d’une fiche de vérification, en plus de la vérification approfondie aux 5 ans par un ingénieur, mais également suite à tout évènement qui pourrait avoir une incidence sur sa structure. Également, le premier rapport de vérification doit être fait entre les 12 et 18 mois qui suivent la fin de sa construction. Pour les parcs de stationnement de plus d’un an au moment de l’entrée en vigueur du règlement, un échéancier est prévu pour les inspections selon l’âge de la construction.



IMMEUBLES À CONDOS



Il s'infère de l'exclusion exprès des bâtiments résidentiels de moins de 9 logements de l’application du règlement, qu'un immeuble ayant des logements est considéré comme étant à l’usage du public, servant à abriter ou recevoir des personnes. Il nous est permis de croire, sans plus de spécifications, qu'un immeuble à condos est alors assujetti à la loi et la réglementation en découlant, étant un bâtiment résidentiel, à la condition qu'il ait plus de 2 étages, ou plus de 8 logements.



Quelle que soit l’envergure du bâtiment détenu en copropriété, il est conseillé de maintenir des pratiques strictes en matière d’entretien du bâtiment, notamment dû aux devoirs du conseil d’administration du syndicat de copropriété et pour conserver l’investissement collectif. Les immeubles détenus en copropriété divise qui n’ont pas un poste au fonds de prévoyance pour un programme d’inspection et la planification de travaux majeurs auront à y songer. Il serait intéressant d’harmoniser ces mesures d’entretien avec les règles encadrant la copropriété divise qui devraient s’actualiser éventuellement dans le Code civil du Québec. Ainsi, le carnet d’entretien qui est une habitude de gestion dans certaines copropriétés, pourra devenir un outil fort utile dans la plupart des cas, même lorsque les immeubles ne sont pas détenus en copropriété divise.



NOS RECOMMANDATIONS



Nous encourageons le gouvernement dans sa politique entourant l’entretien des bâtiments pour une sécurité accrue. Toutefois, nous avons présenté, durant la période de consultation du projet de règlement, nos commentaires à certains égards.



À la lecture des rapports de coroner résultant des accidents plus haut détaillés, on constate que les défauts semblent provenir en partie de l’étape de la construction dans les deux cas. Étant construits dans les mêmes années, leur construction à cette époque n’était pas soumise au Code national du bâtiment ou au Code de construction que nous connaissons aujourd’hui. Vu l’évolution des normes, nous proposons à la Ministre la possibilité de considérer, dans le cas d’immeubles plus récents ayant été soumis à des normes de construction plus serrées, d’autres intervalles d’inspection, plus longs au départ, mais qui pourraient être raccourcis proportionnellement à l’augmentation de l’âge du bâtiment. Il serait notamment possible d'y prévoir des alternatives selon les matériaux utilisés, car il est reconnu que certains éléments se comportent différemment dans le temps dans une structure.



Également, il semble plutôt rare que les ingénieurs aient l’entière surveillance des travaux de construction. Toutefois, nous croyons que la rédaction d’un rapport final de l’ingénieur ayant surveillé les travaux et répondant aux mêmes exigences que celles d’une vérification approfondie pourrait contribuer à l’augmentation de la qualité de nos immeubles dès le départ. Bien que la présence de l’ingénieur ou de l’architecte sur les chantiers augmenterait le coût des travaux, cette dépense en vaudrait-elle le coût pour s’assurer d’un immeuble de qualité, si cela permettait d’espacer les délais d’inspection subséquents?



Ensuite, nous apprécierions une politique cohérente pour aider les propriétaires d’immeubles locatifs, plus spécifiquement, à assumer les coûts reliés à de telles inspections. Il s’agit d’un fardeau financier additionnel, qui n’augmentera généralement pas la valeur des immeubles, ne s’agissant pas d’améliorations locatives. Nous croyons que les propriétaires devraient être en mesure de tenir compte de ces coûts dans le calcul du coût des loyers.



Notons d’autre part qu'il peut être préférable d'investir à certaines périodes déterminées pour avoir un immeuble en ordre et sécuritaire que de subir des tragédies qui peuvent au final coûter cher à plusieurs niveaux aux propriétaires et gestionnaires d'immeubles. Espérons tout de même que le gouvernement comprendra l'ampleur des dépenses que les propriétaires ont à assumer et prendra les mesures qui s'imposent pour éviter de mettre en péril le parc immobilier locatif québécois et pourra tenir compte de la situation particulière des immeubles détenus en copropriété divise.

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